Démocratie
Toute société, tout groupement humain, toute communauté a besoin de créer et maintenir des liens sociaux pour exister et fonctionner. Il y a plusieurs façons de les organiser. Si l’organisation est horizontale, chaque membre de la communauté participe aux décisions de cette dernière.
Dans le cas d’une société peu nombreuse, plutôt autonome ayant un mode d’existence simple comme celle d’une CEREMOVI (voir blog précédent), le système d’organisation le plus approprié est sans doute la démocratie directe.
À l’origine la démocratie est définie par : le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Maintenant le terme de démocratie est dévoyé. De nos jours, un pays est politiquement et économiquement correct s’il peut prétendre être gouverné démocratiquement. C’est la condition obligatoire pour entrer dans la cour des grands et participer au marché mondial. Ainsi, la très grande majorité des pays se dit être démocratique. Certains ont même cru bon de spécifier que leur démocratie était populaire. Curieux pléonasme qui n’ajoute pourtant rien à la qualité de leur démocratie qui, dans les faits, ne se rapproche pas vraiment d’un modèle du genre. D’une manière générale, force est de constater que les démocraties modernes, quelles qu’elles soient, s’éloignent de plus en plus du concept de base, c’est-à-dire de la souveraineté du peuple. Actuellement, il serait plus approprié de définir les démocraties par « le gouvernement des puissants, par les puissants et pour les puissants » ou, plus spécifiquement : « le gouvernement de la finance, par la finance et pour la finance ». Le peuple ne jouant plus qu’un rôle d’alibi et de fonds de commerce. Ce concept de la démocratie n’est pas prêt à changer de sitôt. C’est bien triste, car cela risque de mal finir.
Par contre, si le concept des CEREMOVI devrait voir le jour, leur population pourrait revenir aux fondements de la démocratie et même l’améliorer par rapport à la démocratie athénienne. Cela devrait être d’autant plus facile que les populations seront petites, instruites et que le simple devrait primer sur le complexe. Pour se libérer complètement de certains paradigmes, bien accrochés sur le fonctionnement d’une démocratie, voici quelques réflexions qui pourraient être abordées au niveau des travaux préliminaires avant le lancement des CEREMOVI.
Première réflexion : Où doit-on mettre, lors d’un vote, la limite séparant l’accepté du refusé ?
Supposons qu’une proposition soit présentée à la sagacité du peuple et qu’il faille répondre OUI pour l’accepter.
Supposons que 100’000 personnes soient en droit de participer à la consultation et que les résultats soient les suivants :
-42’000 personnes ont déposé un bulletin dans l’urne
-20’000 personnes ont répondu par OUI
-19’000 personnes ont répondu par NON
-3’000 personnes ont déposé un bulletin blanc ou non valide
Dans la façon traditionnelle d’analyser le scrutin, le pourcentage de OUI serait :
(20’000 / (20’000 + 19’000)) x 100 = 51,3 %
Ainsi, le OUI l’emporterait sur le NON par 51,3 % des voix, et la proposition serait donc acceptée.
Question : Peut-on vraiment prétendre que le peuple dans son ensemble ait accepté la proposition ?
Réponse : pas si évident !
En effet : si on tient compte des bulletins blancs, moins de la moitié des votants a accepté la proposition car :
(20’000 / 42 000) x 100 = 47,6 %
Si on tient compte de la proportion des OUI sur l’ensemble de la population en droit de voter, le taux d’acceptation de la proposition tombe à (20’000 / 100’000) x 100 = 20 %.
Comment alors les responsables politiques doivent-ils interpréter ces résultats pour garder la confiance du peuple ? Doivent-ils aller de l’avant avec cette proposition ? Est-il raisonnable que la limite entre accepté et refusé soit fixée à 50 % de l’ensemble des bulletins OUI et NON ?
Supposons que dans une votation il n’y ait aucun bulletin blanc, ni abstention et que le OUI l’emporte, comme dans l’exemple précédent, par une toute petite marge au-dessus de 50 %. Il est alors difficile de distinguer si le peuple est divisé sur la question ou si les votants n’ont pas simplement pris leur décision au hasard des arguments leur ayant été présentés avant le scrutin.
En effet, imaginons un interrogateur posant une question à un groupe d’individus qui ne peuvent répondre que par oui ou par non. On peut prédire que le taux de oui ou de non avoisinera toujours les 50 % si :
- la réponse à la question met en jeu un grand nombre de facteurs compris différemment par les questionnés, de sorte que leurs réponses peuvent osciller aléatoirement entre oui et non, selon l’importance relative qu’attribue chaque votant à ces paramètres alors que beaucoup préféreraient probablement répondre par peut-être ou ça dépend.
- les interrogés n’ont pas les éléments en main pour pouvoir répondre en toute connaissance de cause. Alors les réponses se font quasiment au hasard des croyances, des espoirs, de la confiance en un groupe d’influence.
- la question porte sur le choix de deux projets, (ou deux candidats s’il s’agit d’une élection) qui sont quasiment indifférenciables. (Par exemple choisir entre blanc bonnet et bonnet blanc)
Dans les situations mentionnées ci-dessus, le taux de oui ou de non ne s’écartera significativement de 50 % que si :
- D’éventuels groupes de pression influencent d’une manière prédominante la réponse des votants, soit par des promesses de récompense, soit par des menaces.
- La question est posée de telle sorte qu’elle contient en elle-même un biais important qui influencera la décision du questionné selon la volonté de l’auteur de la question.
En conséquence, pour éviter toute incertitude sur l’interprétation des résultats du scrutin, la limite de séparation entre accepté et refusé devrait probablement être nettement au-dessus de 50 %. De combien ? Cela pourrait être un sujet de recherche dans les travaux préliminaires au lancement des CEREMOVI.
Deuxième réflexion : Comment donner aux votants un sentiment d’appartenance à la gouvernance de leur société ?
Voici quelques propositions ouvertes au débat.
a) Des possibilités agrandies dans le choix des réponses.
Dans une CEREMOVI le législateur, élu par la communauté, a le devoir de présenter à ce dernier des projets clairs et compréhensibles par tout le monde. Tous les tenants et les aboutissants doivent être expliqués au mieux des connaissances du moment. Le législateur doit s’assurer que le résultat du vote ne peut pas être attribué au hasard d’un jeu de dés pipés.
Pour s’assurer que le peuple participe réellement aux décisions et qu’il ne se sente pas l’instrument de manipulations douteuses, le nombre de types de réponse que le votant peut donner devrait excéder le simple OUI ou NON.
Par exemple, pour un projet donné cela pourrait être :
- Oui, je l’accepte sans restriction.
- Non, je le refuse absolument.
- La question est mal posée, ambiguë et par conséquent je ne peux pas y répondre.
- Je n’ai pas les informations suffisantes pour donner un avis en toute connaissance de cause.
- Le projet est intéressant, mais il est actuellement inopportun. Je liste ci-dessous, par ordre d’importance, les projets sur lesquels j’aimerais que le peuple soit consulté en priorité.
- Autres raisons de ma non-décision.
Remarque : Les consultations populaires ne devraient pas forcément porter que sur des lois, mais aussi sur toutes sortes d’actions simples du genre « Faut-il agrandir l’école ? » ou « Doit-on abandonner l’entretien de la route D225 ? ».
Quand il s’agit d’élection, les votants pourraient par exemple avoir le choix entre :
- Accepter sans restriction le nom d’un, ou des candidat(e)s. – Refusé absolument qu’un(e) candidat(e) puisse être élu(e).
- Ne pas se prononcer (bulletin blanc).
- Réclamer une autre liste de candidats et de candidates.
b) des algorithmes appropriés analysant les résultats de sorte que la volonté du peuple soit bien cernée.
Par exemple, dans le cas d’une consultation populaire portant sur un projet, des algorithmes devraient pouvoir établir laquelle des trois décisions suivantes devrait être prise :
- le projet est accepté sans restriction.
- le projet doit être revu et représenté au peuple quand il sera amélioré.
- le projet doit être définitivement refusé.
Dans le cas du dépouillement de bulletin électoraux, l’analyse des résultats pourrait par exemple utiliser une pondération ternaire[1], pour mieux se protéger d’habiles manipulateurs.
Il va sans dire que le nombre de bulletins blancs et d’abstentions par rapport au total des personnes ayant le droit de vote, devrait être inclus dans les algorithmes de calcul afin de permettre un diagnostic plus précis sur la qualité de la relation entre le législateur, les élus et le peuple souverain.
- l’utilisation de mécanismes d’intervention directe du peuple dans la gouvernance de la société
Ces mécanismes, déjà bien connus, du moins en Suisse, sont le droit d’initiative et le référendum. L’initiative populaire est une procédure par laquelle une fraction numérique prédéterminée du corps électoral peut obtenir, par pétition, l’organisation d’un vote sur un projet ou un sujet donné. De la même manière le peuple peut, par voie référendaire, s’opposer à une décision de l’exécutif ou à une orientation non désirée que prendrait la gouvernance d’une société à l’insu de sa population.
- les décisions prises par le peuple doivent être exécutées de manière inconditionnelle.
Bien que la majorité n’ait pas toujours raison, respecter son choix est le seul moyen de garder la confiance du peuple.
[1] . http://fr.wikipedia.org/wiki/Vote_pond%C3%A9r%C3%A9#Pond.C3.A9ration-ternaire
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